VÊPRES POUR LA FIN DE LA GRANDE PESTE
Venise 1651
Claudio Monteverdi (1567 – 1643 ) / Francesco Cavalli ( 1602 – 1676 )
LES TRAVERSÉES BAROQUES
Étienne MEYER direction
samedi 26 août | Abbaye | 20h30
EN QUELQUES MOTS
Comment ne pas faire le parallèle entre la pandémie actuelle et les grandes épidémies passées ? La musique au XVIe et XVIIe siècle à Venise a été marquée, et bien souvent influencée par ces événements tragiques. Giovanni Gabrieli, par exemple, est envoyé par son oncle Andrea loin de la peste qui ravage Venise. Grâce aux relations de ce dernier, il est engagé à la cour de Munich, entre 1575 et 1579, où il bénéficie de l’enseignement de Roland de Lassus… Un peu plus tard, en 1631, c’est Claudio Monteverdi qui compose une messe à 4 voix et un Gloria à 7, à l’occasion d’une cérémonie religieuse de remerciement pour la fin de l’épidémie de peste, qui a tué plus de 46 000 personnes en 1630 et 1631 – soit un tiers de la population de Venise – parmi lesquels son fils Massimiliano et son ami le librettiste Alessandro Striggio. Monteverdi se fera d’ailleurs ordonner prêtre à la suite de cet épisode tragique qui le touche profondément. Ces grandes pestes ont également une influence surprenante sur l’évolution du style même de la musique : la peste de 1630 aura raison d’un instrument jusqu’alors pratiqué et adulé, le cornet à bouquin. En concurrence avec le violon depuis 1620, le cornet voit un tiers de ses virtuoses décimés, cet instrument tombera alors en désuétude…
A Venise, deux églises sont construites en remerciement pour la sortie des épidémies : la basilique du Redentore en 1575 et celle de la Salute en 1631. Francesco Sansovino évoque la traditionnelle procession qui fut décidée en 1576 : « Le troisième dimanche de juillet, on s’en va à la Giudecca pour visiter l’église du Rédempteur, et ceci pour mémoire, que cette ville fut libérée du Rédempteur notre Seigneur, de l’horrible peste de 1576 […] chaque année de ce jour-là, le doge se déplace le matin à cette église pour y entendre une messe basse dite par le célébrant de cette paroisse, avec des motets chantés par les musiciens de Saint-Marc à l’offertoire, et à l’élévation du très saint Corps de notre rédempteur, avant de s’en retourner à Saint-Marc pour la grand-messe. ». En 1631, c’est la date du 21 novembre qui devient un jour de commémoration de la fin de la peste : le doge se rend chaque année à l’église de la Salute, cette tradition perdure depuis plus de trois siècles à Venise.
En 2020, Les Traversées Baroques avaient initialement prévu de pouvoir créer un grand office de Vêpres à la Vierge, composées par Francesco Cavalli, autour de sa publication des recueils de Musiche Sacre, publiés en 1656 à Venise. Ce grand office marial est remanié ici, en y ajoutant ce Gloria à 7 de Claudio Monteverdi à un moment clé de l’office. Ce magnifique Gloria devient ainsi une grande doxologie, et un hommage appuyé à la sortie de crise que nous vivons actuellement. En 1656, justement, une troisième vague de peste fait alors rage dans le sud de l’Italie (à Rome et Naples) : on y trouve d’ailleurs d’autres compositeurs créant des oeuvres similaires à celles des Vénitiens… Mais c’est encore une autre histoire que nous raconterons peut-être un jour prochain !
La réputation des opéras de Francesco Cavalli est telle que l’on oublie assez aisément qu’il fut musicien d’église tout au long de sa vie, et au service de la plus fameuse d’entre elles, la basilique Saint-Marc de Venise. Selon les récits de son contemporain Ludovico Canobio, Francesco Caletti (son vrai nom) reçoit ses premières instructions musicales de son père, maître de chapelle de la cathédrale de Crema. C’est un garçon doté d’une voix de soprano exceptionnelle : la douceur de sa voix et ses dons musicaux le font remarquer par Federico Cavalli, un gouverneur vénitien alors en poste à Crema. Ce dernier réussit non sans mal à persuader son père de le laisser partir avec lui à Venise. Il y intègre la Capella di San Marco en tant que soprano pour un salaire annuel de 80 ducats le 18 décembre 1616, sous la protection de Cavalli dont il prendra le nom plus tard ; il est officiellement présenté au doge de Venise un mois plus tard. Il a probablement mué assez rapidement, mais n’est mentionné en tant que chanteur ténor qu’à partir de 1627. L’activité musicale de San Marco est alors dirigée par le grand Claudio Monteverdi.
Cavalli fréquente la fine fleur des chanteurs, musiciens et compositeurs de la Capella. Il bénéficie de ce riche entourage, et notamment de l’influence de Monteverdi, qu’il ait ou non étudié formellement avec lui. Chanteur, il est également organiste : son nom apparaît dans les registres d’emploi des paroisses San Giovanni et Paolo, San Rocco, Santa Catarina… Il finit par remporter le concours pour le poste de second organiste à la basilique Saint Marc en janvier 1 639. Son jeu d’orgue est loué par les auditeurs : en 1647, Paul Hainlein le compare à Girolamo Frescobaldi, se lamentant que les occasions de l’écouter se fissent tellement rares. Ziotti dit de Cavalli, « qu’en Italie il n’y a pas meilleur chanteur, organiste et compositeur que lui. » En comparaison à sa prolixe production d’opéras et à la lumière de son implication à la basilique Saint-Marc, la quantité modeste de musique sacrée écrite par Francesco Cavalli est certainement le reflet d’un travail d’écriture qui a dû être continu pendant toute sa carrière. Deux recueils nous sont parvenus, les Musiche Sacre imprimés en 1656, et les Vesperi imprimées en 1675. Cavalli est également à l’origine de la publication de certaines oeuvres posthumes de Claudio Monteverdi. Ce programme de Vêpres vous replongera dans l’univers si particulier de ces musiques à double et triple choeurs, un véritable festival de sons pour l’auditeur !
>PROGRAMME
C. Monteverdi – Deus in adjiutorium
Antienne – Dum esset rex
F. Cavalli – Dixit Dominus à 8
Antienne – Assumpta est Maria in cælum
C.Monteverdi – Beatus Vir
Antienne – Maria Virgo assumpta est
F. Cavalli – Laudate Pueri à 5
Antienne – Benedicta filia
F. Cavalli – Nisi Dominus à 4
Antienne – Pulchra es
F. Cavalli – Lauda Jerusalem à 8
Hymn e angélique – C. Monteverdi – Gloria à 7
Antienne – Hodie Maria virgo
F. Cavalli – Magnificat à 8
BIOGRAPHIES

Etienne Meyer, direction
Capucine Keller soprano
Dagmar Saskova soprano
Maximiliano Baños, NN alto
Vincent Bouchot, ténor
François-Nicolas Geslot, ténor
Renaud Delaigue, basse
Alejandro Meerapfel basse
Jasmine Eudeline, violon
Clémence Schaming, violon
Judith Pacquier, cornets à bouquin
Liselotte Emery, cornets à bouquin
Christine Plubeau, viole de gambe
Ronald Martin-Alonso, viole de gambe
Etienne Mangot, violoncelle
Matthias Spaeter, théorbe
Laurent Stewart, orgue
Pierre-Louis Retat, clavecin
LES TRAVERSEES BAROQUES
Basées à Dijon, Les Traversées Baroques (direction Judith Pacquier et Etienne Meyer) explorent des répertoires baroques originaux : un voyage musical qui part de l’Italie, berceau de la musique du début du 17e siècle, et qui suit les nombreuses ramifications de son influence dans toute l’Europe. Monteverdi bien sûr, le père spirituel, mais également B. Strozzi, K. Förster, M. Mielczewscki, G. Gabrieli, B. Aliotti, G. Bassano et bien d’autres. Régulièrement invité dans des lieux prestigieux (Les 2 Scènes, Arsenal de Metz, festival International de Sarrebourg, festival d’Ambronay, festival Musique et Mémoire, festival du Haut-Jura, Opéra de Saint Etienne, Opéra de Dijon, Théâtre de Beaune, Espace des Arts…), l’ensemble se produit également à l’international (Pologne, République tchèque, Suisse, Cuba, Norvège). L’ensemble se tourne aussi vers l’opéra, avec la reconstitution des Intermèdes de la Pellegrina (2014, A. Linos) et de l’Orfeo de Monteverdi (2016, Y. Lenoir). Les Traversées Baroques ont enregistré 4 disques consacrés au répertoire musical polonais (label K617 – Culture.pl). Le 5e disque consacré à Gabrieli et Bassano est sorti en 2018 (label ACCENT). Ces disques sont tous salués par la critique nationale et internationale (FFFF Télérama, 5 diapason, Resmusica, Choix de France Musique, nomination aux International Music Awards). Un 6è disque, consacré à cette œuvre de Bonaventura Aliotti, Il trionfo della morte, est sorti en avril 2020. Etienne Meyer, également compositeur, et passionné par le cinéma, écrit de la musique pour ciné-concerts, en utilisant ainsi les riches sonorités des instruments anciens dans un langage moderne : Pat a Mat (2013), Le Criquet (2014), The Wind (2017) et Le Ballon rouge (2018).
Les Traversées Baroques bénéficient du soutien du Ministère de la Culture (DRAC Bourgogne Franche-Comté) au titre des ensembles musicaux et vocaux conventionnés, du Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté, du Conseil Départemental de la Côte d’Or et de la Ville de Dijon (en convention).
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